[FR] Revue de livre : "How to Be a High School Superstar", de Cal Newport
Si vous êtes abonné à mes publications depuis un moment, vous savez probablement que j'aime bien les contenus qui débunkent des idées reçues. Et c'est aussi le cas de Calvin Newport, auteur de plusieurs bouquins qui démontent des idées reçues à propos des études supérieures et de l'efficacité au travail. Aujourd'hui, je vais donc vous parler de son troisième bouquin, "How to Be a High School Superstar", publié en 2010.
D'après le titre, on pourrait croire que c'est un bouquin qui explique comme être populaire au lycée. Mais en fait, non. Par "superstar", Cal Newport ne parle pas des bad boys populaires au lycée, mais des lycéens qui ont réussi à intégrer de bonnes universités avec moins de stress, moins d'anxiété et plus d'authenticité que les autres.
Dans ce livre, Cal Newport explique :
- pourquoi faire moins est la base pour devenir plus impressionnant auprès des examinateurs
- pourquoi vouloir montrer de la "passion" est insignifiant, mais pourquoi être intéressant est crucial
- pourquoi les réussites qui sont difficiles à expliquer sont meilleures que les réussites qui sont difficiles à faire.
L'approche prônée par Cal Newport peut paraître totalement contre-intuitive. Et pour cause : elle va à contre-courant de ce que font beaucoup de candidats qui veulent rentrer à l'université.
Quelques mots sur l'auteur
Cal Newport est professeur associé en sciences informatiques à l'Université de Georgetown. Il est spécialisé dans la théorie des algorithmes distribués.
Il a suivi des études au Dartmouth College, puis a obtenu un doctorat au Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 2009.
Il est l'auteur des bestsellers "So Good They Can't Ignore You" et "Deep Work: Rules for Focused Success in a Distracted World". J'avais écrit des articles sur ces différents ouvrages.
Partie 1 : la loi de la "sous-planification"
Comme vous le savez sûrement, aux États-Unis, les universités sont payantes, et surtout très sélectives. En France, pour s'inscrire en 1ère année, il suffit d'avoir le Bac. Aux États-Unis, la sélection se fait sur dossier, et il faut donc avoir de bonnes notes pour espérer être pris. Mais cela ne suffit pas. Pour améliorer leur dossier et se distinguer de la concurrence, de très nombreux lycéens suivent des cours supplémentaires (Advanced Placement (AP) classes) ou font de nombreux activités extrascolaires.
Une idée très répandue, c'est que pour être admis à l'université, il faut absolument avoir suivi plein de cours supplémentaires et avoir fait des activités comme être dans l'équipe de basket-ball ou de football américain du lycée, ou avoir été président d'un club quelconque au lycée ou en dehors du lycée. Certains lycéens participent même à des missions bénévoles à l'étranger.
Mais, ce que fait remarquer Cal Newport, c'est que ces profils qui veulent se distinguer sont en fait extrêmement commun parmi les nombreuses candidatures reçues par les universités. Des étudiants qui se vantent d'avoir été dans une équipe sportive, d'avoir été président d'un club ou d'avoir fait une mission bénévole, ça n'est pas vraiment exceptionnel pour les membres des jurys. À force, c'est même devenu banal et sans originalité.
Pour Cal Newport, il faut se distinguer autrement. Pour lui, ce n'est pas la quantité d'options et d'activités qui compte, mais la qualité et l'authenticité. Le constat qu'il fait, c'est que beaucoup de lycéens ne montrent pas un vrai intérêt pour les activités qu'ils suivent. Quand des candidats marquent sur leur CV qu'ils ont été dans plusieurs clubs ou qu'ils ont fait du bénévolat l'été, c'est souvent pour se faire bien voir. D'ailleurs, une fois admis à l'université, certains arrêtent totalement le bénévolat. Pour Cal Newport, il est préférable de prendre des activités pour lesquels on a un vrai intérêt plutôt que des activités pour se faire bien voir. L'intérêt pour une activité ou un sujet ne peut pas être forcé ou défini en avance, et ça, les recruteurs l'ont bien compris.
Une autre erreur que souligne l'auteur, c'est le fait de surcharger son emploi du temps avec plein de cours et d'activités supplémentaires. Trop de cours et d'activités, ça laisse moins de temps pour travailler chacune d'entre elle, et il devient difficile de respecter les deadlines pour les devoirs. À force d'avoir un planning trop chargé, beaucoup de lycéens se retrouvent à être souvent en retard pour leurs devoirs et leurs révisions, ce qui engendre beaucoup de stress et à tendance à ne pas laisser assez de temps pour trouver de vrais intérêts.
Plutôt que de surcharger son emploi du temps, Cal Newport recommande de faire l'inverse : sous-charger son emploi du temps en laissant suffisamment de temps libre pour se laisser du temps pour se relaxer et explorer de nouvelles choses. Le livre nous montre l'exemple de plusieurs étudiants qui n'avaient pas les meilleures notes, mais qui ont réussi à être admis dans de bonnes universités en ayant un profil vraiment intéressant, avec moins d'activités, mais un intérêt profond pour celles-ci.
L'autre avantage de la sous-planification, c'est aussi de gérer plus facilement son temps. Beaucoup d'étudiants passent beaucoup de temps à réviser ou à bosser sur des devoirs tard le soir, ce qui fait qu'ils ont tendance à dormir moins et à être davantage stressé. Pour Cal Newport, en s'organisant bien, il est possible d'avoir fini presque tout ce qu'on a fait dans une journée à l'heure du diner. Quand il était étudiant, lui-même avait l'habitude de rarement travailler après 18 heures. Mais comment faire ? Tout simplement en optimisant son temps et en étant plus efficace. Pour Newport, si l'essentiel des cours est compris et mémorisé dans la journée, le plus gros du travail est fait. Dans le playbook à la fin de la partie 1, il explique pourquoi beaucoup de lycéens et d'étudiants ne prennent pas leurs notes efficacement, ce qui fait qu'ils ne comprennent pas suffisamment bien le cours durant celui-ci. Quand on suit un cours, il faut en fait prendre des notes d'une façon qui force à comprendre ce qu'on écrit.
Un autre constat, c'est que beaucoup de lycéens et d'étudiants ne révisent pas efficacement. Très souvent, ils se contentent de relire le cours et de surligner les concepts importants. (Et pour l'avoir fait trop souvent, je vous confirme qu'une simple relecture n'est pas vraiment efficace).
Le Dr Newport suggère plutôt de faire appel à ce qu'il appelle "active recalling", qu'on pourrait traduire par "mémorisation active". Cela peut se faire en reformulant son cours avec ses propres mots, et en essayant de l'expliquer à d'autres gens.
Partie 2 : La loi de l'attention
Dans la partie 1, Cal Newport nous expliquait pourquoi il ne fallait pas avoir un emploi surchargé. Dans la partie 2, il explique pourquoi il vaut mieux avoir moins d'activités, mais leur accord davantage d'attention.
Le constat qui est fait, c'est que les étudiants qui ont un emploi trop chargé ont souvent tendance à se disperser. Très souvent, ces activités n'ont pas de rapport entre elles. Et très souvent, ces étudiants n'ont pas d'intérêt profond (ou même d'intérêt réel) pour les AP classes et les activités extrascolaires qu'ils suivent. De plus, cela est très chronophage.
Cette dispersion de l'attention, c'est une mauvaise chose selon Cal Newport. Ce qu'il constate, c'est que beaucoup d'étudiants préfèrent être moyens ou bons dans plein d'activités plutôt que très bons ou excellents dans quelques unes seulement. On pourrait se dire que ceux qui sont moyens ou bons dans plein de trucs sont plus polyvalents. Peut-être, peut-être pas.
Le problème pour chaque candidat, c'est que les gens qui sont bons dans plein de trucs, ils sont plutôt nombreux ! Dans la partie 1, on a vu que pour se distinguer, il faut par exemple avoir un profil plus original, mais authentique, car les faux "passionnés" manquent de crédibilité. L'autre moyen, c'est d'être meilleur que les autres dans un domaine ou deux. Pourquoi ? À cause de l'effet superstar et de l'effet Mathieu.
L'effet superstar a été décrit en 1981 par Sherwin Rosen dans American Economics Review. L'effet superstar, c'est quand les "superstars", les gens qui sont considérés comme les meilleurs (ou les plus connus) dans leur domaine tirent des récompenses bien plus élevées que les gens qui sont un peu moins bons ou un peu moins connus.
L'effet Mathieu, c'est l'effet qui décrit le phénomène lors duquel les personnes les plus avantagées ou les mieux placées voient leurs avantages s'accroître sur les personnes moins avantagées ou moins placées. L'exemple typique, c'est "les riches deviennent de plus en plus riches, et les pauvres deviennent de plus en plus pauvres".
On peut trouver plusieurs exemples illustrant ces deux effets. Le livre cite le cas des chanteurs d'opéra Luciano Pavarotti et Juan Diego Flórez. Flórez s'est fait connaître car il était très bon dans son domaine, et il a été montré comme le nouveau Pavarotti. Mais pour les fans d'opéra, Pavarotti reste généralement la référence, et le meilleur des deux. Dans un magasin, si deux albums de Pavarotti et Flórez coûtent le même prix, les gens vont avoir tendance à acheter celui du plus connu et du plus réputé.
Le même effet se retrouve dans le sport. Quand un sprinteur gagne plusieurs championnats, il se retrouve beaucoup plus mis en avant que ceux qui terminent deuxièmes ou troisièmes. Quand un footballeur est celui qui marque le plus de but de son équipe, et quand il est celui qui marque le plus dans un championnat suffisamment important, ça va lui attirer beaucoup plus de contrats publicitaires et d'exposition médiatique, même s'il doit son succès à un travail d'équipe. Même en recherche scientifique, on voit l'effet Mathieu : s'il y a un scientifique un peu connu dans une équipe de recherche, le résultat d'une étude aura davantage tendance à être associée à cet individu plutôt qu'à ses collègues.
L'effet superstar et l'effet Mathieu se retrouvent dans le monde académique. Le classement d'un candidat dans sa classe au lycée peut par exemple jouer beaucoup sur ses chances d'intégrer une université. Une étude avait comparé les scores au SAT (Scholastic Aptitude Test), l'examen d'entrée sur lequel se basent les universités américaines. Pour deux candidats avec des scores au SAT identiques, celui qui était premier de sa classe avait beaucoup plus de chances d'être admis que celui qui n'était que dixième ou cinquième !
Les étudiants "superstars" cités dans le livre ne sont pas des étudiants qui ont décidés d'être moyens ou bons dans plein de trucs, mais qui ont décidé d'être très bons ou excellents dans un ou deux domaines en particulier, avec un vrai intérêt pour ce qu'ils faisaient. Et c'est ainsi qu'ils ont bénéficié de l'effet superstar et de l'effet Mathieu alors que des gens qui avaient parfois de meilleures notes dans l'ensemble se sont retrouvés recalés ou sur liste d'attente.
Partie 3 : La loi de l'innovation
Dans cette partie, Cal Newport explique pourquoi il peut être avantageux de réussir des choses qui sont *dures à expliquer" plutôt que des choses qui sont dures à faire.
Pour cette partie, Cal Newport a interrogé, Maneesh Sethi, un lycéen qui se débrouillait pour finir toujours tôt (vers 11h). Pendant son temps libre, Maneesh aimait bien sortir avec des amis, et il jouait aussi dans un groupe de rock amateur. Seulement voilà, jouer dans un groupe de rock amateur, ce n'est pas quelque chose rare chez les adolescents. Ce qui lui a permis de se distinguer pour les admissions à l'université, c'est le fait d'avoir écrit un livre sur la programmation destiné aux adolescents. Des adolescents qui écrivent des livres sur des sujets techniques, et surtout qui arrivent à les faire publier, c'est beaucoup plus rare que ceux qui font partie d'un groupe de musique. Et ça, ça a beaucoup plus impressionné les jurys que les nombreuses candidatures de gens qui disaient jouer de la musique.
Un autre exemple intéressant est celui de Kate, qui était dans un lycée privée et qui s'est retrouvée à trouver des solutions pour redresser les résultats d'une charter school. En entendant son histoire, beaucoup de gens s'imaginent qu'elle a eu l'idée d'un coup, et qu'elle s'est mise au travail comme ça. Ce n'est pas le cas. Elle était intéressée par l'enseignement, elle est allée se renseigner, elle a proposé d'être assistante bénévole pour aider l'école, elle a commencé humblement par des petites tâches et des petits projets, et ensuite elle a progressivement gagné d'autres responsabilités.
Le livre nous explique qu'il ne faut pas croire que l'innovation vient soudainement. Cal Newport conseille à ses lecteurs d'aller vers des communautés dans des domaines qui les intéressent, de commencer modestement, et de développer petit à petit des projets dans cette communauté, qu'elle soit réelle ou virtuelle.
Les réussites de Maneesh et Kate paraissent difficiles à expliquer pour les gens qui ont entendu leurs histoires, et c'est ça qui a rendu leurs profils intéressants pour les recruteurs des universités.
Mon avis sur ce livre
"How to Be a High School Superstar" est le troisième livre écrit par Cal Newport. J'avais déjà lu son excellent bouquin "Deep Work: Rules for Focused Success in a Distracted World", consacré à l'impact des distractions sur l'efficacité au travail, et son autre bouquin "So Good They Can't Ignore You" qui montrait que les compétences et les connaissances étaient plus importantes que les passions sur le marché du travail.
J'ai trouvé "How to Be a High School Superstar" très intéressant aussi, car c'est aussi un livre qui démonte des idées reçues avec un bon argumentaire. Ce livre s'adresse avant tout aux étudiants qui veulent intégrer une université américaine, mais les conseils prodigués sont aussi valables pour les étudiants européens. Si vous voulez rentrer dans une université sélective ailleurs en Europe ou dans une formation sélective en France, ce livre peut quand même être utile. Et même si vous êtes lycéen ou étudiant à la fac en France, les méthodes prodiguées peuvent vous aider à mieux vous organiser et à mieux travailler, ce qui peut être utile si vous comptez demander un master, un doctorat ou une école par la suite.
Sources et compléments
http://calnewport.com/books/high-school-superstar/
http://calnewport.com/blog/2008/07/23/dangerous-ideas-college-extracurriculars-are-meaningless/
https://en.wikipedia.org/wiki/Advanced_Placement
https://blog.prepscholar.com/list-of-extracurricular-activities-examples
https://apstudent.collegeboard.org/home
Encore une fois une review très intéressante de livre (que je vais probablement ajouter à ma bibliothèque).
Je trouve que les livres que vous présentez sur votre compte sont particulièrement bons, vous m'avez en effet permis de découvrir l'excellent A mind for numbers de B. Oakley (découvert via votre revue sur le sujet).
Je tenais donc a vous remercier pour la qualité de votre travail sur Steemit (et particulièrement pour vos articles traitant de sciences qui m'ont permis d'apprendre beaucoup de choses).
Merci pour ce commentaire très positif et très encourageant !
Je ne connaissais pas cet auteur mais en effet il a l'air assez intéressant surtout sur son approche !
Merci pour le partage :o)
Ses bouquins sont très intéressants, il prend souvent une approche qui paraît contre-intuitive mais qui est bien expliquée. Ses trois premiers livres s'adressent plutôt aux lycéens et aux étudiants, mais il a fait d'autres livres en rapport avec le monde du travail. Je te recommande notamment son bouquin "Deep Work" qui donne des tas de raisons d'éviter le multitasking, les petites distractions et le travail "superficiel". :)
Comme toujours vos retour de lecture sont plus qu'appréciable ! Très bon travail ! Upvoté à 100% !