Histoire : Les Silences d'Iris et de Léo

in Newcomers' Community24 days ago

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Iris et Léo étaient ensemble depuis dix ans. Au fil du temps, Iris avait adopté une forme de sagesse défensive : ne rien attendre de Léo pour éviter la déception. Cela lui avait permis de traverser certaines de ses absences émotionnelles et ses oublis avec une apparente sérénité.

"Je ne m'attends à rien, comme ça, je ne suis jamais déçue," disait-elle parfois à sa meilleure amie, Chloé.

Chloé, cependant, n'était pas convaincue. "Mais Iris, n'est-ce pas aussi renoncer à quelque chose ? Ne rien attendre de la personne que tu aimes... où est la place pour l'intimité, le soutien mutuel ?"

Iris éludait la question. Dans sa tête, elle pensait se protéger. Si elle n'attendait pas de geste romantique pour leur anniversaire, elle ne serait pas blessée s'il l'oubliait. Si elle n'attendait pas qu'il la soutienne dans un moment difficile, elle ne serait pas déçue s'il était distant.

Pourtant, un soir, après une journée particulièrement éprouvante au travail, Iris rentra à la maison, espérant secrètement un peu de réconfort de la part de Léo. Elle ne lui avait rien dit de sa journée, ne voulant pas "attendre" sa sollicitude. Léo était absorbé par son ordinateur, un silence s'installa entre eux, lourd et impersonnel.

Pour la première fois, l'absence d'attente d'Iris ne la protégea pas. Au contraire, elle ressentit une profonde solitude. Ce n'était pas la déception d'une attente non satisfaite, mais plutôt le vide d'un manque de connexion, d'une absence de reconnaissance tacite de son état.

Plus tard, elle en parla à Chloé. "Tu avais raison. Ne rien attendre... parfois, ça ressemble juste à être invisible."

Chloé hocha la tête. "Il y a une différence entre des attentes irréalistes qui mènent à la frustration et des besoins fondamentaux dans une relation. Le respect, l'écoute, une certaine forme de soutien... ce ne sont pas des 'attentes' au sens où tu l'entends. Ce sont des piliers."

Iris commença à y réfléchir. N'avait-elle pas, en voulant se prémunir contre la déception, fini par éroder la substance même de sa relation avec Léo ? En n'attendant rien, ne lui laissait-elle pas aussi l'opportunité de ne rien donner ?

Un soir, elle s'assit à côté de Léo. Au lieu de se murer dans son silence habituel, elle lui raconta sa journée difficile. Elle ne l'a pas fait en "attendant" sa compassion, mais en partageant une part d'elle. À sa surprise, Léo éteignit son ordinateur et l'écouta attentivement, lui offrant un mot gentil et une étreinte.

Ce fut un petit moment, mais il résonna différemment pour Iris. Elle réalisa que certaines "attentes" n'étaient pas des pièges à déception, mais plutôt l'expression de besoins relationnels légitimes. Attendre un minimum de respect, d'honnêteté, une forme d'attention de la part de ceux qu'on aime n'était pas une faiblesse, mais une reconnaissance de la valeur du lien.

Iris comprit que la véritable sagesse ne résidait pas dans l'absence totale d'attentes, mais dans la capacité à discerner les attentes saines et nécessaires de celles qui étaient source de frustration, et surtout, dans la communication de ces besoins fondamentaux. La frontière était fragile, mais essentielle à naviguer.